jeudi, novembre 07, 2013

Sortir du placard de la douleur chronique...



Cette dernière année a été l'une de mes plus difficiles en terme de blogueries. Ces derniers mois, écrire ici m'est devenu plus difficile que coutume.

J'ai ouvert ce blogue l'année qui a suivi un événement traumatique en mon cœur. En août 2002, mon homme, alors âgé de 22 ans, a (mal) sauté dans le lac. Il s'est cassé le cou le bougre!

En allant rejoindre ma petite sœur de 9 ans, il a mal évalué le niveau d'eau dans lequel il sautait et il a abusé de son élan. Résultat il s'est explosé la tête dans le sable. Lorsqu'il m'a appelé pour le rejoindre, plongée dans un livre, je n'avais pas vraiment fait attention à ce qu'il faisait, je n'avais aucune conscience de ce qu'il allait nous arriver.

Son ton m'a alerté. Je l'ai rejoint dans moins d'un mètre d'eau douce. Il m'a alors chuchoté "Je ne sens plus ni mes mains ni mes jambes."

D'un coup le ciel s'est subitement rapproché de ma tête! En un quart de seconde j'ai revécu mes douze/treize ans. En cours de gym, en un saut malheureux, j'ai raté le tapis et je me suis explosée la tête sur le ciment. Une prof paniquée m'a donné une claque pour m'aider à reprendre conscience puis elle m'a fait marcher jusqu'à l'infirmerie.

Six heures plus tard, je ne marchais plus. Bilan de ce saut raté, un traumatisme crânien, un hématome au cerveau, des cervicales fêlées, une perte d'équilibre de plus de 3 mois et une perte de mobilité. Un an plus tard, j'apprenais à remarcher. À quinze ans, j'étais passée au travers. Je pouvais courir comme une gazelle...

Se prendre un coup de ciel sur la tête

Mais là, à cet instant, mariée depuis deux ans, à prendre mon homme dans mes bras, je ne pouvais y croire. Tandis que je le berçais avec tout mon amour dans l'eau, mon expérience de paralysie me revenait en tsunami mental. En le rassurant et en priant le ciel de ne pas l'handicaper à vie, je me forçais à respirer.


Ainsi sont passées de précieuses minutes. Il a commencé à ressentir ses pieds. J'ai continué de le bercer dans l'eau. Ma petite sœur s'est approchée. Il l'a rassurée. Minimisant au maximum le tout. Se disant qu'il avait dû se fouler une cervicale.

Il étudiait à l'université et faisait du travail manuel l'été, ce qui le rendait agréablement musclé. Une quinzaine de minutes plus tard, il est sorti de l'eau en marchant. Il s'est allongé sur le sable, bien blanc. Peu à peu ses sensations sont revenues. Inquiète, je lui propose quand même de rentrer à la maison.

L'on marche les 500 mètres qui séparent la plage de la maison. Dans la petite côte en chemin, je le grille sur ses symptômes. Il minimise. Arrivé à la maison, je le vois raide comme un balai et blanc comme un c... Je le force à aller à l'hôpital.

Une heure plus tard, il a passé toute une série de radios. Je vois alors le personnel médical défiler les uns après les autres dans la petite salle qui contient ses radios. L'un deux finit par venir nous voir. Il lui dit:

- Là, surtout, tu ne bouges plus! Tu as le cou cassé. On va te transporter d'urgence à l'Enfant Jésus à Québec. Il faut t'opérer rapidement!

Et là, le ciel me tombe vraiment sur la tête! Une massue me frappe en plein cœur. Alors qu'ils l'emportent en civière. Je reste foudroyée sur ma chaise. Passe un docteur, je lui dis:

- Mais je comprends pas. Il est pas mort. Il marche. Comment il peut avoir le cou cassé?!?!
- Il est très chanceux madame, mais son cas est très grave...
- Docteur, je pense que je me sens pas bien. Vous avez pas quelque chose à me donner? Je crois pas que je pourrais conduire dans cet état.

Il appelle une infirmière qui constate mon état d'anxiété croissant. En gros, je capote ben raide! Elle me donne un calmant. Je rentre chez moi. Branle bas de combat. Deux heures plus tard, je le retrouve à l'hôpital. Aux soins intensifs. Harnaché sur une civière. Il lui est interdit de bouger d'un poil avant de se faire opérer.

Sa cervicale est explosée. Je ne me souviens plus de laquelle, C3 ou C4. Elle s'est fragmentée dans sa chute, les morceaux ont rebondit contre sa moelle épinière sans l'endommager. Son cou musclé et le fait qu'il soit tombé dans du sable l'aura sûrement aidé. Et la main de Dieu...

Il faut l'opérer. À court terme, s'il n'est pas réparé c'est la quadriplégie assurée. Au programme une opération de huit heures avec deux chirurgiens. Il faut lui enlever tous les morceaux de sa cervicale explosée, lui enlever un petit morceau de hanche pour la tailler en forme de cervicale, puis lui replacer celle-ci dans le cou avant de sceller le tout avec une plaque de titane.

L'opération doit avoir lieu le lendemain. Je passe une première nuit blanche à son chevet. Le fait que mon homme soit diabétique de type un depuis ses quinze ans est l'un de ces petits détails à mentionner. Physiquement, cela complique un peu la chose. Mentalement, cela ajoute au poids qui s'abat sur ses épaules.

Le lendemain, en fin d'après-midi, le chirurgien vient nous voir. Il lui demande s'il se sent capable de passer une autre nuit sans pouvoir bouger, harnaché à son lit. Il lui dit:

- Honnêtement, je me sens fatigué, c'est une grosse opération et je préfère pouvoir la commencer de bon matin, bien reposé.

Sa franchise nous touche. Juan avale et acquiesce. Lui aussi préfère le chirurgien en pleine forme! Et c'est parti pour une autre nuit blanche sur mon inconfortable chaise. Une autre nuit dans l'ombre du pire à espérer le meilleur.

Comme l'on s'en doute, plus d'une décennie plus tard, l'opération fut un succès.

De nos jours, la médecine fait de petits miracles. Elle a réparé mon homme avec brio. Il n'en garde aucune séquelle. Neuf mois plus tard, il était comme neuf!

Mais cette année là m'a quelque peu traumatisée...

Aller de l'avant...

À l'époque, je finissais un bacc en traduction. J'étais présidente de l'association littéraire à Ulaval. Je couvrais du culturel (et un peu de techno) pour le journal de l'université.

J'étais moralement épuisée. Je me sentais en PTSD. Dans la foulée, je suis tombée dans la blogosphère un jour de fièvre...

J'ai ouvert ce blogue en avril 2003 avec l'envie de cultiver le positif de la vie. Avec comme seule censure éditoriale celle de mettre l'emphase sur le bon côté de la vie. Cela lui a donné une direction plutôt douce et légère. C'était mon jardin de mots apaisants, celui où je venais y planter mes sourires. Cela n'a jamais été l'endroit où y planter mes pleurs...


Au fil du temps, c'est devenu mon jardin de vie mais c'est toujours resté un espace éclairé, jamais un espace d'ombres. Je l'aime ainsi.

Parler d'un ennui de santé qui se déroule et s'efface dans le temps ne m'a jamais été difficile durant ces dix dernières années. Mais jamais, je ne m'étais retrouvée à affronter une situation où l'ombre de la santé s'installe au quotidien.

Durant l'année passée, un problème de santé récurrent m'a régulièrement coupé l'inspiration bloguesque à la source. La paralysie de Bell atypique que j'ai eu en 2011 a laissé derrière elle une douleur faciale chronique que je dois apprivoiser. Elle n'aura pas ma peau mais c'est une grosse pilule à avaler.

Et c'est un sujet qu'il ne m'inspire pas d'écrire ici! Ainsi est né cet autre blogue. Un blogue d'écriture thérapeutique intitulé "Chroniques de douleur". Et cela semble marcher. Le fait d'écrire ailleurs me libère. Il me permet de retrouver le plaisir d'écrire ici...

Au Québec, cette semaine est dédiée à la douleur chronique. Du 3 au 9 novembre c'est la semaine québecoise de la douleur chronique.

Je décide de sortir du placard. Je fais aujourd'hui partie du mystérieux clan de la douleur chronique. Mon nerf facial a été sérieusement endommagé. J'ai ai développé des complications névralgiques de type post herpétiques. Mon trijumeau me fait la guerre! J'ai la complication rare de la maladie rare. Typique de ma part. Faudrait peut-être que je mette à jouer au loto!


Ceci dit, j'ai pour objectif de transformer cette faiblesse en force afin d'en éclairer l'ombre quotidienne. Je vais donc me couper les blogueries personnelles en deux. Ainsi va la vie...

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