lundi, mai 19, 2008

Saga de pleine lune en fond de brousse,

Leave a Comment
Pleine lune sur fond de brousse,

Après une fin de semaine à saveur monoparentale, Juan étant parti jouer avec son équipe à un tournoi de volley quelque part dans le Sagenay, je commence à être bien vidée arrivée dimanche soir. Je pense avec respect à toutes ces femmes qui élèvent seules leurs enfants. Ma douleur buccale qui me tenaille encore par vif instant, fatigue mes nerfs que je travaille à double régime, afin que M’zelle Soleil ne sente pas le manque de son père. Je lui donne toute mon attention, toute mon affection, je m’adapte à ses rythmes, je fonds mon univers au sien, j’en fais le nombril de mon monde...

Avant de partir Juan me dit : « J’ai un peu peur qu’elle m’oublie. » je manque de pouffer de rire. Lily-Soleil, oublier son père? Ce serait comme si le ciel oubliait les étoiles à la nuit tombée. Cosmiquement impossible! Juan fait partie intégrante de sa vie depuis sa naissance. Nos premiers mois alors que je bataillais pour retrouver la santé, il s’en est occupé comme une mère l'aurait fait, avec autant de dévouement et d'abnégation. Moi qui n’était qu’une loque à mamelles branchée sur une trayeuse électrique, moi qui n’était plus que l’ombre de moi-même. Durant ces temps difficiles, Juan a été la force qui m'a soutenue dans le dédale de mes ténèbres. C'est ainsi que depuis le tout début de son existence, il s'intègre au quotidien de Lily pour l'aimer et la conforter. En retour, elle l'idolâtre avec passion...

Maintenant que j'ai repris contrôle de ma vie , je lui laisse consciemment tout l’espace nécessaire pour qu’il puisse, le plus possible, interagir avec sa fille. Comme ma fille et ma pomme ne connaissons en notre relation aucune carence émotionnelle, il m’est facile de me reculer pour laisser Juan construire sa propre relation avec elle. Leur harmonie m’est délicieuse, pour moi qui ait grandit sans aucune notion paternelle, Juan représente un idéal de papa, tel comme j’ai parfois pu l’imaginer lorsque je me faisais des films de petite fille. M’zelle Soleil est l’astre de son père. Son père est son Amour. Dernièrement, avec patience et persévérance, Juan lui a appris à faire du vélo. Elle s’en est tirée avec quelques cabosses. J’ai un peu grincé des dents. Juan était si content de partager avec elle ces instants précieux. En deux fins de semaine, la demoiselle pédalait vaillement. Juan en est si fier que lorsqu’il la voit pédaler et rouler au bout de la rue il me dit : « Ouf, lui apprendre des trucs et la voir progresser, cela me fait gonfler le cœur ». Je me dis que pour ma part chaque seconde passée avec elle me gonfle le cœur. En cette nouvelle saison qui prend forme, j’ai le cœur aussi gros et léger qu’une montgolfière voguant au « firmaman »

Bulles de Lily

Rares sont les occasions où son père part trois jours de suite. Comme il fait beau et que l’on s’occupe à jouer dehors avec les petites voisines, elle ne voit pas trop le temps passer. Il n’y a qu’entre deux activités qu’elle se questionne sur l’absence de son paternel. Je lui explique : « Papa est parti jouer au ballon avec ses amis » et tout le blablabla de circonstance. Comme elle l’a déjà vu jouer au volley, elle en comprend parfaitement le concept et accepte le fait. Elle sait que nous irons le chercher à Québec dimanche soir, elle sait qu’il reviendra, elle a confiance. Elle aurait bien aimé l'accompagner mais elle n'en fait pas un plat. Maman à son service remplit sa cuisine intérieure. Elle fait une petite "baboune" samedi lorsqu’il m’appelle durant sa sieste et qu’elle ne peut lui parler. Quelques sauts de trampoline plus tard, elle se tord de rire en l’air.

Sans chercher à la brimer, je la laisse sauter avec ses deux petites amies âgées de sept ans sur la trampoline géante qui la fait s'envoler au ciel. J’ai le cœur qui fait des bonds avec elle. Consciente d’un potentiel danger, je regarde la scène d’un œil perçant, averti, vigilant. Dés que les filles s’approchent trop près l’une de l’autre, je me transforme en gentille police : « Non, les filles pas si prés, attention, reculez un peu, okay c’est beau, Raphy ne pousse pas Lily! ». Et cela saute à s’en faire vibrer la cervelle et cela rigole à en tomber par terre pour mieux s’envoler dans les airs. Les petites filles se font un « fun noir ». Tandis que je suis comme un aigle aux aguets, le regard rivé sur ma fille qui se transforme en un fétus de paille sur pattes, j’ai le cœur emporté dans une montagne russe. Dans le silence de ma tête, je me répète : « Elles s’amusent comme des petites folles, c'est cool, regarde comme elles sont belles, tu es en contrôle du danger, tu veilles, rien ne peut leur arriver ». J’avale mon angoisse de louve et je souris. M’zelle Soleil est si heureuse que cela me transperce l'être.

Arrive le moment d’aller chercher Juan. L’enfant est prête, sage comme une image d’Épinal, elle monte dans son siège en papotant. Je l’attache. Je m’assois à ma place, tourne la clé et…rien…. Pas un souffle de démarrage, juste le silence d’une batterie éteinte. Shoot! Il ne me faut pas longtemps pour réaliser que Lily aura, la veille, joué avec la lumière du plafonnier. Je pars chercher Phil, père de Raphy, compagne de jeu adorée de ma fille. Il me dit :

- Il est manuel ton char?
- Yep.
- Bon ben on aura qu'à le pousser dans la petite côte vers la forêt…
- Humm, t’es sûr parce-que cela à l’air bien à plat ma batterie, y'a même plus rien qui allume!!!
- Mais, oui, j’te dis ça va marcher!

Sceptique j’écoute l’homme de service. Il me pousse, rien ne se passe, la voiture est à plat. M’zelle Soleil commence à se rendre compte de la situation. J’en profite pour lui faire la leçon de circonstance en ce qui concerne la lumière du plafonnier! Elle fait mine basse, consciente de sa faute, elle reste bien sage. Je ne m’énerve pas, je ne la dispute pas vraiment, je me contente de lui expliquer calmement les tenants et aboutissants de la chose. Pendant ce temps Phil va chercher son 4X4 pour « booster » ma voiture. Manque de pot, il ne trouve pas les trucs pour accrocher les câbles dans son moteur neuf. Bon! Rendu là je suis au milieu de la route qui se transforme en sentier de « bouette » et qui fait un U dans la forêt jusqu’à la prochaine rue qui compose notre petit quartier boisé. Je macère sur l’obstacle, je sais que je l’ai laissé jouer l'enfant quelques minutes dans la voiture sans vérifier ensuite si tout était correct. Je tiens compte de ma responsabilité. Raphy arrive en chemise de nuit pour participer à l’action. Phil retourne chercher la voiture de sa femme, il « plogue » mes câbles et j’essaie d’aspirer un peu de son jus. Mais non, rien de rien! Je suis au point mort. Il me dit :

- Ben ta batterie est vraiment morte, t’as même plus de starter…

Je grimace. J’appelle l’homme qui est arrivé à Québec. Il me dit que la voiture de la voisine arrive jamais à booster la nôtre! Manifestement nous ne nous rendrons plus en ville. Il s’arrange donc pour emprunter la voiture d’un ami afin de revenir chez nous. Phil est amusé, faut dire que j’allège un peu l’atmosphère en faisant ma comique, il m’explique que Raphy lui a déjà fait le même coup et qu’en plus, ce jour là, elle avait laissé les clés dans la voiture pour ensuite "barrer" les portes! J’échange un regard complice avec Rafifi toute contente de voir s’allonger sa journée! M’zelle Soleil rumine sur sa bêtise, j’ai bien l’impression qu’elle apprend sa leçon, je doute qu’elle ne retouche de sitôt à cette lumière. Tout comme elle n'essaie plus de s'enfermer dans la salle de bain depuis le matin où elle a eu une bonne trouille et que j'ai du escalader mon mur de pierre, puis la fenêtre pour arriver à la libérer de sa mésaventure! Elle m’explique : « Z’ai cassé l’auto. Z’ai anumé la numière pis l’auto mache plus! Rien. Peut pas aller checher papa! Non rien! Z’ai cassé l’auto! ». Elle sait bien que son père lui a plusieurs fois fait la leçon à ce sujet et je soupçonne que ce soir elle regrette de ne pas l’avoir mieux écouté. Alors que l’on essaie de pousser la voiture sur le bas coté, Phil est à moitié mort de rire lorsqu’il constate que le frein à main est collé « ben raide ». Il me demande :

- Heu, t’utilises-tu parfois ton break à bras!
- Heu non, jamais.
- Ah! Ben c’est ça, je l’ai mis pis y’ai resté collé!
- Bon ben c’est le boute du boute...

Je sors de l’auto pour aider à la pousser afin de libérer un passage. Je ne suis pas vraiment inquiète, je sais qu’il ne passera personne d’ici à ce que Juan revienne et s’occupe du problème. La nuit est presque tombée, il se fait tard. Phil et Raphy rentre chez eux . Ma fille et ma pomme restons assises sur le petit muret de pelouse devant chez nous. La nuit est douce. L’on discute de la situation sous un ciel bleu nuit. J’observe la lune qui nous épie entre deux nuages sombres.

- Mais maman on peut pas laisser la yoiture au miyieu de la rroute!
- Mais si, on peut rien faire, elle marche plus, elle est cassée, maman peut rien faire
- La voiture est cassée?
- Oui, elle démarre plus, il faut attendre que papa rentre pour la réparer
- La voiture cassée pake z’ai anumé la nimière?
- Oui, tu sais que papa y voulait pas que tu y touches, et comme elle est restée allumée longtemps maintenant la voiture est cassée
- Mais maman, faut checher la voiture, é au miyieu de route!
- Oui, je sais, mais je peux rien faire…
- Rien, bahh rien, oh, Lily cassé la yoiture avé la numière, pis là rien, laissé au miyieu de la route. É papa? Que papa?
- Papa a un ami qui va lui prêté sa voiture et après il va réparer l’auto mais là tu vas aller faire ton dodo.
- Ami de papa prête yoiture?
- Oui, allez viens, on rentre…

Elle me suit comme un charme. Je la couche sans aucune comédie. Je savoure la plénitude du silence et de la paix. Je soupire en regardant briller la pleine lune. Je m’assoie devant l’écran. Je regarde mes courriels lorsque le téléphone sonne. C’est Sylvie, mon amie qui habite à l’autre bout du quartier. Elle me dit :

- Ben ça va?
- Ben oui, pourquoi? T’as vu la voiture dans le U?
- Mais y’a la police devant chez toi!
- Hein, la police???
- Ben oui, elle est juste devant chez toi m’a dit Jay?
- Hein, attends je vais voir...

Je sors dans la nuit pour distinguer dans la pénombre de la forêt, là où se trouve ma voiture, la police qui investigue ma connerie! Bon ben manquait plus que cela!!! J'avais oublié la ronde du dimanche soir, elle avait raison la petite puce, laisser la voiture là m'attirerait des problèmes! Je cours comme une gazelle jusqu'à eux. Ils me regardent arriver, les yeux écarquillés, un peu essoufflée, je m’embrouille la langue :

- Heu, ben c’est ma voiture, heu j’habite juste, là, ma batterie est morte, avec le voisin on a essayé de la booster mais rien, elle veut rien savoir, je viens de coucher ma petite fille, elle a laissé allumer la lumière, c'est pour ça qu'j'ai plus d'batterie, je devais aller chercher mon chum en ville, mais j’suis restée pognée là, heu.. Là j'attends qu’il rentre, un ami lui prête son char pour venir s’occuper du notre, heu…

Les deux policiers me regardent avec des airs de pitbulls! L’un me demande :

- Mais depuis combien de temps elle est là?
- Ben 8 :30, lorsque j’ai voulu alller chercher mon mari pis que j’ai vu que j’avais pu de batterie, pis que le voisin a essayé de m’aider mais que je suis rester pognée là!!!

L’autre semble retenir un songe de sourire lorsqu’il me répond en me tendant un trousseau :

- Pis les clés, c’est pourquoi au juste?
- Oups, oups j’ai oublié les clés! Ben mince alors, c’est que je suis rentrée coucher la petite pis c’est pas comme si elle pouvait bouger, j’habite juste là, elle allait pas se sauver! Heu… Désolée…
- Mais tu barres pas tes portes?!?

Là je ne peux m’empêcher d’écarquiller mes yeux :

- Barrer mes portes!?! Mais heu, c’est la forêt là! Pis j'suis juste là!

Il fronce les sourcils tandis que je poursuis à toute vitesse :

- Pis j’suis si habituée à la sécurité de la rue c’est pas un réflexe! Heu, désolée, merci hein…

Le policier au volant démarre son char. Sans un mot de plus. Il ferme sa fenêtre et je les regarde partir dans l’horizon sombre! Je regarde la lune qui fait une percée entre deux épais nuages : « Bon cela vas-tu finir là, j’peux tu relaxer trois secondes!!! ». À peine arrivée à ma porte, sonne le téléphone. C’est Sylvie qui m’explique comment Jay, mon ancien éléve devenu grand, a vu passer la voiture de police. À travers les arbres du boisé qui nous sépare, ils les a vu s’arrêter devant chez moi et s'est senti de son devoir de me prévenir sur le champ! Cher Jay, petit garçon limite autiste qui me fit, au fil des devoirs partagés, une place dans son cœur. Je suis aussi surprise que touchée. Je constate combien le silence de la nuit est calme. La vingtaine d’âmes en mon quartier est bien rangée dans ses pénates. Et je réalise qu'il y a toujours quelque part entre les arbres un œil qui veille sur les autres…

0 commentaires: