lundi, octobre 15, 2007

Entre deux états.

Leave a Comment
...

Je rentre dans la chambre anonyme. Tout de suite, le malaise, où est ma fille? Elle était là? Lorsque je suis descendue pour faire une course que j’ai déjà oubliée, elle était là, elle dormait sagement. Je fouille le lit vide. Je hurle le nom de son père qui apparaît comme par magie à mes cotés. La malaise m’emporte, je bafouille, je gargouille, une folie s’empare de moi. Où est ma fille? Qui a osé me prendre ma fille? Je tourne en rond. Je coure dans les escaliers. Je sens la raison me quitter. J’accroche un concierge, des clients, n'importe qui l'a peut-être aperçue? Dans ma tête, une ébullition de scénarios, de remords et d’incompréhension m’emporte la raison. Je me sens glisser, je deviens folle. Je le sens dans mes nerfs qui s'affaiblissent plus vite que mon ombre. Ma fille, je veux ma fille. Rendez-moi ma fille. Tout de suite. Je dois retrouver ma fille. Je remonte en courant dans la chambre. Ma tête est remplie de la vision de son visage, des visions d'elle qui défilent en moi, la texture de sa présence tapisse mes pensées retournées. Elle n’est toujours pas là. Mais comment cela? Elle doit être là. Elle était là il y a à peine heure. Ma fille. Je veux ma fille. Une lamentation intérieure me liquéfie le coeur. Non, ce n’est pas possible…

J’ouvre les yeux. J’ai besoin de quelques secondes pour comprendre que je suis bien dans mon lit. Tout ceci n’était qu’une illusion, une méchante illusion. Je sens mon cœur battre la chamade. L'homme se colle contre ma peau. Je suis dans mon lit. Le réveil n’a pas sonné. L’homme se réveille aussi. Je me sens encore toute fragile. Il se rend compte qu’il a oublié de mettre le réveil. 8 heures!!! Le retard nous bouscule. Et la petite? Pourquoi elle dort encore? Une irrationnelle peur m'enserre les entrailles. Je me lève d’un saut pour aller ouvrir la porte de sa chambre. Elle est là, endormie, sagement. Enfin le cauchemar s’apaise. Ce n’était qu’une méchante illusion. Ma fille est là. Elle se retourne, elle ouvre ses grands yeux bleus et grommelle. Je la prends dans mes bras, je la serre un peu plus fort que les autres matins. Sa petite peau toute douce est si fraîche. Je monte le chauffage de sa chambre. On est bien en retard. Elle grignote quelques céréales tandis que je l’habille et que je prépare son sac. L'homme est prêt. Je suis si heureuse de la savoir bien là que pour une fois, je n’ai pas le cœur dans les talons de la voir partir chez Manon.

Je fais quand même une prière silencieuse pour qu’il ne lui arrive rien pendant ces heures où je ne la surveillerai point. Je trimballe cette angoisse jaillit de la nuit dans le jour gris qui se lève. Je me rappelle que j’ai confiance en Manon. Je pense à ces petites filles, Maddie, Cedrika, et à tous ces enfants dont l’on n’entend pas parler. Je pense à ces mamans sans leur enfant. Je crois que cela doit certainement être l’une des pires choses au monde que de perdre son enfant. Mais le perdre dans le mystère, dans l’incompréhension totale doit réellement être l'un des pires tourment. Je pense à la petite Maddie disparue au Portugal. Je réalise que mon songe s’ajustait un peu à son scénario de disparition. J'ai dû trop lire d'articles sur le sujet! Lorsque le cauchemar devient réalité. J’ai quand même du mal à croire que cela soit ses parents qui l’aient tuée. Et la petite Cédrika, ce matin je crois percevoir un soupçon d’horreur, un soupçon de ce que doivent vivre ses parents au quotidien depuis des semaines. Cette petite fille dont on a perdu la trace mais dont le visage est placardé sur les murs et vitrines de toute la province.

Cette même image de petite fille disparue, ces mêmes affiches qui hantent le passant semaines après semaines. Je l’avoue souvent je détourne mon regard pour effleurer cette affiche sans la voir. Cette petite fille souriante me fait presque peur, derrière elle, invisible, se cache un monstre d'esprit et de chair. Sans compter toute la peine et la tristesse qui l’entoure et qui me font mal. Et puis j'ai peur pour nous, peur pour la mienne. Le visage de Cédrika est désormais bien ancré dans ma mémoire. Je crois bien que je la reconnaîtrai si je la voyais mais je doute fort de la voir, alors, égoïstement, je détourne le regard. Cette affiche est le symbole d’un cauchemar devenu réel. Je suis sure que c’est le cauchemar de tous les parents qui chérissent leurs enfants...

C’est une réalité qui ne devrait jamais arriver, à personne, mais sur Terre l'enfer et le paradis se côtoient en un étrange équilibre. C'est une réalité qui me terrifie. Si j’écoutais cette frayeur, je crois bien que j’arrêterais net de parler ici de ma fille, de partager ses mimiques, ses sourires. Est-ce que ce coin virtuel pourrait être la cible d’un prédateur? Suis-je totalement inconsciente de partager tout cet amour que je ressens pour elle en ce lieu public? J'aime l'idée qu'elle puisse enjoliver le présent d'autrui tout comme elle enjolive le mien. Suis-je imprudente?

Perdre son enfant sans rien y comprendre. C’est une réalité qui fait envisager le pire. Un évènement qui fait concevoir le pire de notre humanité. Mais n’est-ce pas le meilleur qui nous fait avancer ? Si l’on se laisse envahir par le pire, l’on se meurt. N’est-ce pas le meilleur qui donne la force de vivre dans un monde où le pire est horreur? Je prie le ciel de protéger ma fille en particulier mais aussi tous ces enfants de part le monde qui nous offrent le meilleur de ce que l’humanité possède d’innocence et de pureté…

0 commentaires: