dimanche, janvier 14, 2007

Brouhaha mental

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Brouhaha mental

Des journées ensoleillées succèdent à plusieurs jours de neige. Chez nous, l’hiver s’accroche à quelques nuits bien froides. Hier l'on frôlait les -20, presque un bonheur de saison. Un petit mètre de neige glacée recouvre le paysage malgré les températures douces des dernières semaines. Ailleurs l’hiver se perd. Ici, entre monts dénudés et lac givré, il résiste.

Petit passage à vide pour ma pomme. Même si j’avais bien dit : « Elle ne passera pas par moi! ». Elle est passée quand même la maudite!!! Sans être virulente, elle a fait rejaillir de bien mauvais souvenirs de cette année passée à essayer de survivre à ma peau. Je m’en sors indemne mais essoufflée. Si l’on reste objectif, je suis en bien meilleure forme que je l’étais à pareille date l’année dernière. Je n’ai pas encore retrouvé toute ma séduction mais ma santé est en bonne voie de guérison.

Juan me dit :

- Tu es dans un creux de vague ma chérie. Tu as besoin de te stimuler les neurones. Un bébé ça apporte plein de choses mais cela ne stimule pas les neurones…

Je grommelle. Les jours passent et je me rends compte de la sagesse de ses paroles. Cela m’énerve. Emportée par ce tourbillon de sensation qui éclairent cette autre transition, je me débats le coeur. Avec la naissance de l’enfant, la naissance du parent qu'il faut éduquer. Je me laisse ballotter dans d’étranges vagues émotionnelles. Il va falloir que je me détache un peu de l’enfant. Cette simple pensée me bloque toute entière. J’ai le cœur épanoui et la cervelle en marmelade. Je n’aurais jamais pu imaginé à quel point il est déstabilisant de devenir parent. À quel point cela peut renverser un quotidien...

Écrire a toujours fait partie de ma vie. Je me souviens encore à quel point le concept de "rédaction" appris au primaire a révolutionné ma vie. Si je remonte encore plus loin, je me souviens de ces frustrations épuisantes de ne pas savoir parler. Je me souviens être minuscule, à peine capable de voir par dessus la table de la cuisine, écouter s’exprimer les adultes, comprendre les mots, essayer de les répéter pour n’entendre que des charabias incompréhensibles et voir les lueurs d’interrogations dans le regards de ceux qui m’élevaient. Je me souviens de mes rages intérieures à vouloir mettre la vie en mots. Je me souviens de cette première question qui hanta ma peau d'enfant.

Après avoir passé des semaines à essayer de mettre en mots ma pensée, je finis par être satisfaite, je me lance et je demande à ma grand-mère:

- Dis pourquoi on est sur Terre?

Ma Mère-Grand de froncer les sourcils et de me répondre :

- Heu, tu demanderas à ta mère ce soir.

Reposer la même question à ma mère pour l'observer, toute aussi médusée, se dépatouiller sans succès avec ma colle et finalement me répondre.

- Tu demanderas à ta maîtresse demain.

De commencer à douter d’avoir réussi à formuler le fond de ma pensée correctement. Pourtant les mots étaient clairs. Je décide de ne pas trop m’en faire avant d’avoir vu la maîtresse. Le lendemain, j’arrive à l'avoir pour moi toute seule. Je prends mon courage de fillette à deux mains et je lui pose cette question qui m’agace. Je la vois chercher ses mots. Ne pas trop comprendre. Comme mon vocabulaire est limité, après tout je ne suis qu’en maternelle, j’ai de la difficulté à approfondir mon idée. Je lui dis que j’ai demandé la même chose à ma famille qui ne m’a pas répondu et m’a dirigée vers elle. Je voudrais juste savoir pourquoi l'on est sur la Terre. Pourquoi je suis sur Terre? Elle ne sait quoi me répondre. Je me dis que finalement les adultes ils n’en savent pas tant que cela! J’essaie au fil des mois de peaufiner ma question, de la reposer à maintes occasions avant de me résigner devant l’ignorance des adultes qui m’entourent…

Maintenant que Lily-Soleil est née, fécondée en ma chair, mise au monde par ma peau. Je me demande si c’est pour cela que l’on est sur Terre. Mais plus je tourne et retourne le sujet, plus j’ai l’impression que ce n’est qu’une facette de ma vie. La reproduction est une partie importante de notre espèce mais cela ne peut être tout ce à quoi l’on se résume! Je dois donc continuer cette quête à la source de mon humanité. Mais pour cela, je dois me détacher un peu de l’enfant. Cette solution ne coule pas de source en mon cœur.

Lorsque l’on est femme et que l’on devient mère, c’est toute notre identité qui évolue. Selon les bagages que l’on transporte avec soi, les réactions s'enclenchent. En accord avec mon passé, je me sens le devoir et la responsabilité d’être le plus présente possible dans la vie de ma fille. C’est une réaction viscérale qui défie la raison. Lorsqu’en moi jaillissent des besoins personnels, je les refrène, car s’ils impliquent l’éloignement de l’enfant, je me sens si coupable de les ressentir que je préfère les renier. C’est une émotion qui défie la raison.

Mais la raison doit arriver à s’entendre avec le cœur pour trouver un nouvel équilibre d'existence. Nous sommes des créatures de passions et d’émotions. Des créatures émotionnelles dotées d’une cervelle capable d’engendrer des merveilles. Mais il y a encore des jours où je me demande bien quel est le but de nos existences…

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