lundi, mai 08, 2006

Insécurité paternelle

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Insécurité paternelle

- Quand même, c’est dur d’être père!
- Pourquoi?
- Je sens que vais l’aimer tellement, c’est terrible!
- Hein?
- Oui, je l'aime déjà full, je le sens, je crois que je vais tellement l'aimer! Ça va être horrible!
- Ben pourquoi?
- Je sais pas, j’peux être con, c’est dur d’être aimée par un con!
- Oh! Là, tu pousses! Moi ça va, je survis…
- Oui, mais toi, tu m’as choisi, pas elle!

Retour une heure en arrière. Bébé hurle dans son lit. Ce soir, Papa a décidé de donner une leçon. Interdiction de la prendre. On y va à la Française, on l'a fait plier comme un jonc sous notre bonne volonté. Bien sûr mon chéri! Si elle tient de moi, cela va surement bien aller...

La même routine qui s'installe jour après jour alors que nous atteignons ces six mois de parents en herbe. Bain, bouffe, histoires, chansons, paroles douces, coucher entre 7:30 et 8hres, nuit de sommeil paisible. Réveil entre 6:30 et sept heures. Rebouffe, jeu, câlins, sieste, blabalablabla...

Donc, récapitulons la routine de soir : Juan aux commandes. Glou-glou, avale la bouffe. Câlineries. Sommeil angélique jusqu'au lendemain matin où l'on se réveille tous frais comme des roses! Enfin, on se réveille...

Juan ne voit Bébé que deux-trois heures les jours de travail. Il s'arrange donc pour être chaque soir à la maison, à temps, pour commencer la fameuse routine. Lui, qui a tant de difficulté avec les heures, est on ne peut plus ponctuel avec sa fille. Ce soir, tout va comme sur des roulettes. Le bain se passe bien, l'asticot se tortille de bonheur. Cela sourit, cela chantonne, cela rigole. Tout roule jusqu’au moment où je vois Juan sortir de la chambre, ô combien plus vite qu’à son habitude.

- Tu l’as droppée (plantée là) dans son lit? Elle dormait pas?!?
- Ben, oui, je veux qu’elle apprenne à s'endormir toute seule comme on en a parlé.
- Ah! Okay…

Pas un son depuis cinq minutes, aurait-il si facilement gagné la partie? Ahah! Un petit cri se fait bientôt entendre. Un petit cri qui a le potentiel de se transformer en demande expresse.

- Hum, je suis pas sure qu’elle est d’accord avec ton plan!
- J’y vais…

Il disparaît dans la chambre. Je vaque à mes occupations. Dix minutes passent et cela geint de l’autre coté du mur. Cela pleurniche, cela s'agite. Au bout de quinze minutes, j’entre dans la pénombre. Il me rabroue.

- Ah! Elle s’endormait, tu viens de la réveiller!!!

L’asticot en question, se tortille vivement dans son lit sous l’œil vigilant de son père, accroupi devant son berceau de toile. Sceptique, je demande :

- On peut toujours pas la prendre?
- Non, il faut qu’elle apprenne…
- Heu, okay.

Je reviens vers la lumière de la salle de vie pendant que tourne le petit manège de la chambre. Un autre quart d’heure s’efface entre geignements et plaintes d’un poupon qui s’énerve. Lorsque je sens monter la tension, je m’implique. Je retourne dans la chambre au dixième hurlement strident, cri de guerre qui s'est transformé crescendo en hurlement puissant depuis les premiers cris d’il y une demi-heure.

- Là, je crois qu’il faut la prendre avant que cela ne dégénère comme l’autre fois qu'on a essayé ta technique...

Il me jette un coup d'œil colérique, se lève et sort de la pièce en frappant la porte derrière lui. Je respire profondément. J’entre zen, sous les cris stridents de Lily-Soleil qui me vrille les oreilles, dans l’arène. Je prends dans mes bras la petite boule de nerfs hurlante. Je cajole la petite chose qui me déchire les oreilles. Je ne peux m’empêcher de me demander en la voyant devenir toute rouge : « Hum, j’espère qu’elle n’est pas malade! Pauvre bébé, pour crier comme ça, c’est sur elle a mal quelque part! Si elle ne se calme pas d’ici dix minutes, c’est qu’elle est malade, elle a pris froid! Elle a mal aux dents? Non, non, je ne suis pas angoissée. Non, elle n'est pas chaude, juste frustrée... »

Alors que je lui susurre des paroles réconfortantes et que mille questions se bousculent dans ma tête de linotte, elle se calme. Elle se love contre mon sein et je sens le sommeil qui la cherche. Je la câline dix autres minutes. Elle s'assoupit comme un ange. Je la dépose délicatement dans son lit. Elle tend la main vers son nounours, se tourne vers lui et s’endort dans le temps de le dire. Je respire. Soulagée, je caresse avec douceur sa petite tête. Je sors de la chambre aussi silencieuse qu’un sioux. Juan ouvre la porte avec la nourriture des chats dans les mains. Il guette le bruit, la bataille. Je lui explique qu’elle dort. Il respire.

- Tu as été trop dur avec elle.
- Je sais, je l’ai senti, je voulais pas plier, c’était un trip d’orgueil.
- Elle est encore toute petite. On a le temps de la discipliner.
- Je veux pas qu’elle devienne comme moi.
- Mais elle est de toi, elle sera obligatoirement un peu comme toi.
- Oui, ça me fait peur. Je crois que je l’ai blessée ce soir.

Il m’émeut
. Il me touche dans sa recherche de l’être meilleur. Dans ses remises en questions qui le propulsent vers des zones de compréhensions si savoureuses à mon mental étonné. Il remplit de pépites le coffre de mes attentes, sans être parfait, il posséde cette grandeur intérieure qui me charme. Irrésistible. Souvent je me dis en mon fort intérieur: « Ouais quand même, pour un gars, il est pas si con…»

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