dimanche, novembre 30, 2003

Leave a Comment
GOOM: L’Ogre qui ne voulait plus manger d’enfants…

Ses frères le portèrent alors dans la cabane qu’ils possédaient prés de la rivière damnée et retournèrent festoyer. Au matin, le village commençait déjà à oublier. Les Ogres ont la mémoire incroyablement courte à la naissance et cela ne s’arrange pas avec l’âge. L’instinct les guide plus que la pensée, ce qui leur permit peu à peu d’oublier Goom qu’il ne voyait plus parmi eux…

Épisode deux :

L’hiver allait bon train. C’était une période très occupée pour les Ogres de la contrée. Ils devaient profiter de la porte glacée pour ramener leur nourriture préférée et faire des réserves pour l’été. La porte de glace fondait irrémédiablement au printemps. Il fallait donc attendre que ne retombe la neige pour pouvoir reformer la porte ronde à l’endroit magique. Ce lieu était sacré, connu par des Ogres depuis de la nuit des temps, il se situait à la fontière Nord du pays d'Ogronum. C'était l’unique endroit où les Ogres savaient construire une porte interdimensionnelle et ainsi pénétrer le pays des Hommes…

Pendant que les Ogres de la région travaillaient fort, à remplir les énormes forts qui leur servaient de garde-manger, Goom apprenait à vivre seul. Les Ogres, débordés de travail, l’oubliaient peu à peu tandis que lui ne faisait que penser à eux. Sans le comprendre Goom commettait là un acte irréversible. Sans le savoir il développait sa mémoire. D’Histoire d’Ogres cela n’était certainement jamais arrivé !

Durant ce temps étrange qui s’écoulait si lentement, Goom s’habituait à sa nouvelle vie d'hermite. Il savait qu’il ne pouvait retourner vivre avec les siens dans le village de son enfance. Il savait que plus jamais il ne pourrait vivre avec les siens. Les enfants étaient de tous les menus. La chair humaine était l’aliment de prédilection des Ogres. Il savait que s’il retournait au village, il ressentirait encore ce malaise, tout aussi indescriptible qu’incompréhensible, qui l’accompagnait désormais dés qu’il s’approchait de la chair putride des Hommes. Il ne comprenait guère cette nouvelle impression, ces nouvelles sensations…

Il avait toujours été friand de chair humaine. Depuis son plus jeune âge, il adorait les bambins et leur peau douce et crémeuse. Il aimait les manger en deux bouchées, sentir leur petit cœur battre encore, tandis qu’il avalait son dernier morceau palpitant de sang. Il n’aimait pas les petites filles avec une longue chevelure. Il n’arrivait jamais à en déguster une sans garder entre ses dents des cheveux récalcitrants. Cela lui prenait ensuite un temps fou pour se curer les dents et il devait se les laver au moins trois fois de suite ! Il aimait bien les jeunes hommes potelés. Il avait élaboré une recette spéciale pour récolter le gras pendant la cuisson et en faire une délicieuse sauce pour accompagner ses gigots. Tout le village en raffolait et en redemandait des lunes après que tout n’ait été mangé ! Il était déjà arrivé à ses frères d’organiser une expédition spontanée au pays des Hommes, juste parce-qu’ils avait une subite envie de « jeune au gras et aux pommes »…

Cette perte d’appétit pour les humains l’incommodait profondément. Il passait des nuits entières, assis sur un énorme rocher prés de la rivière damnée, la tête entre ses mains. Il soupirait à tout moment, il ne savait que faire ! Il s’ennuyait de ses pairs et de l’énorme arbre qui abritait sa maison depuis des générations. Son estomac gargouillait chaque nuit davantage. Pourtant il ne pouvait se résoudre à retourner au village…

Une nuit de pleine lune, identique à tant d’autres où assis sur son rocher, il écoutait bouillonner la rivière et gargouiller ses entrailles. Il vit s’arrêter devant lui un énorme sanglier. Celui-ci le regarda avec intérêt, il s’approcha et le flaira timidement.

Goom eut une idée ! Les idées étaient rares dans la vie d’un Ogre et il vécut celle-ci comme une révélation divine. Il regarda fixement le sanglier qui ne semblait pas se soucier de sa présence et pensa : « Si je ne peux plus manger d’humains, je pourrais essayer les animaux. Après tout ils sont aussi fait de viande ! »

Il regarda le ciel. Pour la première fois depuis des lunes, il sentit un nouvel espoir enfler son petit cœur. Il sourit. Sa face bleuâtre scintilla sous les étoiles. Il leva son vieux gourdin dont il ne se séparait jamais, d’un coup sec et précis, il tua le sanglier trop curieux ! Il ramena l’énorme carcasse à sa cabane et entreprit une toute nouvelle recette…

Au lever du jour, il mangea avec appétit son énorme plat. Le ventre plein, il alla se coucher enfin satisfait et repu. Son sommeil se peupla de songes tourmentés où les Hommes et les Ogres dansaient en une ronde infernale et terrifiante…


À suivre…

0 commentaires: