mardi, juin 17, 2003

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Kundera a dit : Écrire c’est se tenir au bord du ravin et se pencher pour voir non le fond mais pour voir l’attraction qu’exerce le fond sur l’être humain…

Sur Terre, chaque coin de paradis cache un morceau d’enfer…
C’est une réalité qui m’a claquée en pleine face le 24 août dernier…
Hier, alors que j’écrivais au bord du lac, mon regard s’est tourné de l’autre bout de la plage, et mes pensées ont tourné sur un chemin imprévu. J’ai décidé de le suivre et me suis retrouvée en plein mélodrame, j’imagine qu’il fallait que ça sorte. Paraît que c’est cela l’écriture thérapeutique ! Je n’en suis pas une habituée, mais je comprends que l’écriture permet d’évacuer les traumatismes. Et ce 24 août, je fus certainement traumatisée, alors je laisse à l'écriture de soin de jeter dans le trou noir de l'humanité ces mots…


Chaque fois, la même sensation, mon cœur qui s’emballe devant ce que lui offre mon regard et mon esprit qui s’envole en riant. Sur ce petit coin de sable, ce petit bout de paradis, je suis toujours bien. J’apprécie la vie, j’oublie la mort…
Et pourtant…
Pourtant cette année, mes réflexions se tournent vers ce moment, vers cet instant où la mort cachée au fond du lac essaya d’attraper Juan…

Ce jour là, toute la famille était installée plus loin, là-bas, dans la zone familiale. Une canicule sévissait depuis plusieurs jours. La saison s’achevait. Juan arriva de Québec de mauvaise humeur après un voyage étouffant dans notre minoune. Durant les trente minutes du trajet, il n’avait pensé qu’à l’eau fraîche et limpide dans laquelle il plongerait au plus tôt…

Pourquoi ? Comment ? Est-ce que l’on peut expliquer un accident ?

Il plongea dans le lac, sans faire attention au niveau de l’eau, il prit son élan et effectua le plongeon de l’ange. Heureusement ce jour là les anges étaient au rendez-vous de la mort. Il plongea, et crack ! Alors que sa tête rencontrait le sable, sa cinquième cervical explosa et se fragmenta sous la force de l’impact ! Crack, sans que je n’en aie conscience, notre destin prit un détour…

Comme je l’ai mentionné, les anges veillaient et firent de leurs mieux pour nous éviter le pire. En passant rapidement les détails aussi étonnants les uns que les autres, cela donne cela :

Juan s’évanouit, se réveilla, prit conscience de la paralysie qui l’immobilisait au fond de l’eau. Le niveau de l’eau étant bas, il se laissa flotter à la surface. Il m’appela. Je le pris dans mes bras refusant de toutes mes forces cette réalité soudaine. Au bout de 10 minutes, sensations après sensations, il retrouva ses jambes, ses bras. Sonné, il se leva pour s’allonger à nouveau sur la plage. Il minimisa le mal. Il se releva et nous prirent le chemin de la maison, petite côte comprise. Au chalet, réflexions furent faites d’aller passer une radio à St-Raymond. Parcours tout en douceur en SUV jusqu'à l’hôpital de brousse, la radio, le verdict…

L’ambulance en urgence, Québec et son service spécialisé en traumatologie, radios encore, constat tranchant. Fracture cervicale instable, morceau d’os éclatés en liberté autour de la moelle. Opération obligatoire et imminente. L’angoisse, les pleurs, l’incompréhension, l’angoisse, la force de surmonter l’épreuve, la douleur…

Puis l’opération, miracle de médecine moderne. Opération qui lui vola un fragment de hanche pour combler le vide vertèbral, les morceaux libres récupérés, la plaque de titane qui consolide, le cou réparé.

Et une longue convalescence…

Après l’opération, après que mon robuste bonhomme ne me revienne cassé mais réparé, le corps fragilisé et l’âme tourmentée, j’ai demandé au chirurgien :

- Ça veut dire quoi vous l’avez réparé ? Ça veut dire quoi ? Il va récupérer ? Il va redevenir comme avant ?

Le jeune chirurgien confiant et patient avec ma nervosité aiguisée.

- Oui, Tout s’est bien passé. L’opération s’est très bien déroulée, tout va pour le mieux. Vous verrez d’ici le printemps prochain, il n’y paraîtra peu, à peine quelques douleurs. Et il devrait désormais éviter les sports de contacts pour au moins 5 ans. Mais sinon, il devrait n’avoir que peu de séquelles…

Je mis tout mon petit cœur en détresse à le croire. Je mis toute mon âme à profit pour traverser l’épreuve des longs mois d’hiver…

Et maintenant, me voilà, de retour sur la plage, devant ce lac que j’adore, devant cette vue qui m’épanouit. Je reste loin du spot maudit. Je ne pense pas pouvoir retourner prendre du bon temps là-bas de l’autre coté de la plage. Heureusement, ce jour là, je n’étais pas à mon spot de prédilection! Le traumatisme s’estompe. Juan va superbement bien. Il est redevenu comme avant, il a repris cette job d’été qui lui permettra de retrouver ses muscles. Il réexploite ses talents manuels, il développe ses talents informatiques, il retrouve sa vie. Merci Seigneur...

Je continue la mienne, un peu cabossée par cette année, prête à profiter des mois d’été pour me régénérer l’être. Je veux me reposer, je veux m’évader sur la plage. Je veux remercier le ciel de nous avoir épargnés...

Je me dis que la vie possède la complexité de l’univers. Je ne peux que remercier les cieux de leurs bienfaits car lorsque la chance dépasse la malchance, il faut oublier les plaintes du malheur et accepter les choses telles qu’elles nous sont données. Accepter la vie avec ses joies, ses peines, ses bonheurs étourdissants et ses détresses abrutissantes. Accepter de vivre et de surmonter toutes ces émotions qui créent le tableau de l’existence…


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